La ségoula du talite

En 1930 est né à Ouarzazate au Maroc, le Rav Moché Ben Tov, d'une famille d'éminents rabbins. Rav Moché fut nommé au nom du tsadik Rabbi David Oumoché, suite à un rêve de sa mère lorsqu'elle était enceinte. Après l'installation de ses parents à Casablanca, ils le confièrent à des grands érudits locaux afin de parfaire son enseignement religieux. Il s’éleva dans l’étude de la Torah, s’y consacrant avec assiduité jour et nuit. Dès l'âge de 16 ans, le Rav Ben Tov se découvrit une passion pour les mézouzotes. Il aimait les lire et accomplissait gracieusement leur vérification.

En 1957, il monta avec son épouse en Israël et s'installa dans la ville de Beer Chéva. Il ouvrit une belle bijouterie et connut un grand succès. Très rapidement, son don se fit connaitre et les clients venaient plus pour présenter leurs mézouzotes que pour acheter des bijoux. Sur la recommandation de Baba Salé et d'autres grands rabbanimes de l'époque, il abandonna sa bijouterie pour devenir une figure majeure de la vie juive de la ville. Il aimait donner des conseils justes et efficaces à toute personne venant le solliciter.

On raconte qu'un jour une femme d’une trentaine d’années entra dans un magasin d’articles religieux à Jérusalem. Elle se présenta au vendeur et lui demanda dans un murmure s’il vendait des châles de prière, des talites. Après avoir reçu une réponse positive elle dit au vendeur : «Donnez moi le talite, le moins cher et le moins grand que vous avez en stock s’il vous plait». Le vendeur, un peu surpris par cette demande, lui demanda la taille de la personne, la corpulence, afin de lui donner un talite adéquat !

Dans un regard agacé, la jeune femme lui répondit : « Regardez-moi, vous trouvez que j'ai l'air de sortir d'un séminaire ? Je ne suis pas une personne religieuse, j’ai juste besoin d’un talite, le plus petit et le moins cher que vous ayez à vendre, vous savez, ceux qui ressemblent à des écharpes. Je n’y connais rien en talite, mon père m’a envoyée aujourd’hui voir le Rav Moché Ben Tov pour recevoir sa bénédiction pour me marier. Moi personnellement, je n’avais pas vraiment envie de venir voir le Rav Ben Tov mais sous l’insistance de mon père, pour lui faire plaisir et ne pas lui manquer de respect, je suis venue. Après m’avoir bénie, le Rav Ben Tov m’a demandé d’aller au plus vite acheter un talite afin de trouver mon futur conjoint. C’est pour cette raison que je me trouve ici devant vous».

Le vendeur, très sympathique, et comprenant de quoi il s'agissait lui dit alors : «Écoutez, je connais cette grande ségoula. Sachez que vous ne pouvez pas prendre n’importe quel talite. Un petit talite équivaut à un petit fiancé, un grand à un grand fiancé…. On ne laisse pas le hasard décider de son futur mari». Les yeux de la jeune femme commencèrent à sourire et elle commença à se détendre.

A cet instant, le téléphone sonna, dans le magasin. C’était un ami du vendeur qui lui demandait s’il ne connaissait pas par hasard une fille pour son fils qui cherchait à se marier. Après avoir raccroché, le vendeur expliqua à la jeune femme sa conversation et que, si elle était d’accord, il pourrait les mettre en contact. Surprise par ce concours de circonstances et après avoir refusé car elle pensait que le vendeur se moquait d'elle, elle lui fit finalement confiance. Elle sortit un bout de papier et un stylo de son sac et écrivit son numéro de téléphone, qu'elle tendit au vendeur. Elle acheta son fameux talite et sortit du magasin. Le vendeur envoya le numéro à son ami et oublia cette histoire.

Deux mois plus tard, une femme religieuse entra dans le magasin et expliqua au vendeur qu’elle était venue quelque mois plus tôt acheter un talite pour trouver son mazal. Le vendeur la reconnut mais remarqua que ce n’était plus la même femme. Elle lui expliqua alors que, suite à leur entretien, le jeune homme qui avait reçu son numéro l’avait contactée, et qu’après plusieurs rencontres, ils avaient décidé de se marier. Elle lui dit : «Tout d’abord, je tiens à vous remercier pour ce que vous avez fait pour moi et je suis venue vous remettre l’invitation au mariage, qui aura lieu très bientôt, avec l’aide d’Hachem. Encore une chose, j’ai besoin d’un grand talite car celui que j’ai acheté est minuscule, alors que mon futur mari est très grand». Le vendeur, ravi, lui demanda le petit talite afin de l’échanger contre le grand. A cet instant, la jeune femme lui expliqua qu’elle désirait acheter un autre talite. Elle souhaitait garder le petit car une telle ségoula ne se rend pas.

Le vendredi 16 juillet 2010, avant Chabbath, le Rav Moché Ben Tov, le «Lecteur des mézouzotes», rendit sa néchama pure à Hachem à l’hôpital Hadassah Ein Kérem de Jérusalem. A la sortie de chabbat, des milliers de personnes se réunirent pour lui faire un dernier hommage et l'accompagner à sa dernière demeure au Har Aménouhot à Guivat Chaoul.